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Le développement et la validation d’un nouvel outil d’évaluation intégrée spécialisée en dépendance (ÉISD)

L’ÉISD, un nouvel outil d’évaluation intégrée spécialisée en dépendance, est présentement en développement et devrait être déployé partout au Québec au cours de l’hiver 2024. L’ÉISD couvrira l’ensemble des problématiques en dépendance (SPA, JHA et UPI) et sera adapté aux jeunes de 12 à 17 ans et aux adultes de 18 ans et plus. Un module pour les membres de l’entourage sera aussi compris dans l’évaluation. L’ÉISD sera disponible en anglais et en français.  

Entrevue avec Nadine Blanchette-Martin, M. Serv. Soc

Chercheure au Service de recherche en dépendance du CIUSSS de la Capitale-Nationale et du CISSS de Chaudière-Appalaches

IUD : Bonjour Mme Blanchette-Martin. Pour débuter, pourriez-vous nous dire ce qu’est l’ÉISD ? 

Nadine Blanchette-Martin : L’ÉISD est un nouvel outil d’évaluation intégrée spécialisée en dépendance. L’outil est présentement en développement et devrait être déployé partout au Québec au cours de l’hiver 2024. Plus précisément, l'objectif derrière l’ÉISD est de développer un outil qui va porter sur tout le continuum d’évaluation, c’est-à-dire des outils de repérage jusqu'aux outils d'évaluation spécialisée. C’est aussi une évaluation qui couvre l’ensemble des problématiques en dépendance (*SPA, JHA et UPI) et qui est construite en « poupée russe ». Cela signifie que s’il y a une évaluation de détection qui est faite avec le DÉBA (qui est intégré dans l'ÉISD), lorsque la personne sera dirigée vers les services spécialisés où les mêmes questions ne lui seront pas posées de nouveau. L’évaluation va simplement se poursuivre et celle-ci sera intégrée à l'intérieur de l’ÉISD. 

*SPA = substances psychoactives, JHA = Jeux de hasard et d'argent, UPI = Utilisation problématique d'internet

IUD : Pourriez-vous nous nous dire à qui s’adresse l’ÉISD ?

N. B.-M. : Afin de bien comprendre à qui s’adresse l’ÉISD, j’aimerais faire une petite mise en contexte. Actuellement, dans les centres de réadaptation en dépendance, il y a des évaluations telles que l’IGT pour les adultes et l’IGT ADO, pour les jeunes de moins de 18 ans. Il y a aussi le DÉBA pour la détection chez les adultes et la DEP-ADO, aussi pour la détection, mais chez les jeunes. L’évaluation spécialisée que nous sommes en train de développer va s'adresser autant aux jeunes qu’aux adultes. Donc, ce sera la même évaluation pour tout le monde. La seule différence c'est qu’il y aura des éléments qui vont toucher plus un mode de vie d'ado, tandis que d'autres vont toucher plus un mode de vie d’adulte. Par exemple, pour les ados, nous allons questionner davantage l'implication des parents, alors que chez les adultes ce pourrait être le conjoint. D’ailleurs, un module complet de l’évaluation va s’adresser à l’entourage. 

IUD : Pourriez-vous nous en dire davantage à propos de ce qui sera évalué par l’ÉISD ? 

N. B.-M. : L’ÉISD va évaluer la consommation de substances psychoactives (SPA) comme l'alcool, le cannabis, les autres substances, les jeux de hasard et d'argent (JHA) et enfin l'utilisation problématique d'internet ou des écrans (UPI). Nous avons aussi intégré l’évaluation des différentes sphères de vie telles que la santé physique, le fonctionnement psychologique, les relations interpersonnelles et familiales, le travail, la situation judiciaire et le capital de rétablissement. 

L’une des améliorations majeures de cette évaluation est que nous misons sur les forces de la personne. C’est-à-dire que lorsque nous avons le choix, au lieu d'évaluer ce qui est manquant chez la personne, nous allons regarder ce qui est présent, de quelles ressources la personne dispose, pour voir sur quoi nous pouvons nous appuyer pour la soutenir dans son cheminement. 

Comme nous avions le souci du temps, nous avons souhaité développer une évaluation qui pourrait être complétée approximativement en deux heures. L’idée étant de départager « le pertinent » de « l’intéressant ». Nous voulons miser sur ce qui est pertinent d’un point de vue clinique et sur les éléments qui peuvent être utiles dans l’élaboration d’un plan d’intervention par exemple. Puis, il faut se rappeler qu’il s’agit d’une évaluation initiale, donc qu’il y a bien des choses intéressantes, mais qu’elles ne sont pas toujours pertinentes à ce stade-ci de l’intervention.

IUD : Est-ce que vous pourriez nous parler du processus de développement de l'ÉISD ? 

N. B.-M. : Dans un premier temps, nous avons fait le bilan des 14 dernières années d’utilisation des instruments de détection dans toutes les régions du Québec. Nous sommes allés voir comment les outils DÉBA, DEP-ADO et l’IGT étaient utilisés dans les milieux cliniques et ce qui devait être modifié. 

À la suite de ce processus, nous avons développé nos versions expérimentales de l’ÉISD. Nous avons débuté par la version sur la consommation de SPA. Pour celle-ci, nous avons fait un nombre important d’entrevues diagnostiques à l’aide du CIDI de l’Organisation mondiale de la santé. Lorsque nous développons un outil d'évaluation, ce n’est pas tout de développer une version expérimentale, il faut aussi la comparer à une évaluation bien reconnue.  Ensuite, nous avons développé notre version expérimentale sur l'utilisation problématique d’internet (UPI) à partir de relevés de littérature et de l'expérience des cliniciens. Enfin nous avons utilisé les travaux de Magali Dufour, qui fait partie de l'équipe de recherche. En ce moment, nous en sommes à compléter la version sur les jeux de hasard et d'argent (JHA) et les autres sphères de vie. En cours de création de chacune des sphères, nous avons tenu des groupes de discussion avec des cliniciens experts pour présenter les versions expérimentales de chacune des sphères afin de les bonifier. 

IUD : Est-ce qu'il y a des experts concernés impliqués dans ce processus ? 

N. B.-M. : Oui, ils sont impliqués au moment d’effectuer nos prétests. Nous les rencontrons pour une entrevue afin d’expérimenter nos questionnaires. À la fin de l’entrevue, nous leur demandons s’il y a des choses qui ne fonctionnent pas, s’il y a des choses qui devraient être modifiées ou améliorées. À la suite de leurs commentaires, nous effectuons des modifications. 

IUD : Pouvez-vous nous parler de l’implantation de l’ÉISD au Québec ?  

N. B.-M. : Le projet de développement de l’ÉISD inclut la mise à jour des différents outils de détection en dépendance, soit les DÉBA-Alcool/drogues/JHA/Internet et la DEP-ADO. Notre objectif est que d’ici la fin de l’année 2022, nos outils de détection soient disponibles et déployés dans les milieux cliniques. En ce qui concerne l’ÉISD, nous espérons que la version pré-finale soit expérimentée dans certains milieux cliniques impliqués dans le projet au cours de l’été/automne 2023. 

Le déploiement de la version finale de l’ÉISD est prévu pour l’hiver 2024. 

Entrevue réalisée par Geneviève Fortin, agente d’information et de transfert de connaissances, IUD