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Une nouvelle tendance : le wax pen

Le wax pen est une forme de cigarette électronique qui contient un liquide hautement concentré en THC, la principale substance psychoactive du cannabis. Sa popularité ne cesse d’augmenter, en particulier auprès des jeunes qui consomment du cannabis.

Entrevue avec
Laurence D’Arcy, D. Ps.

Chargée de projet spécialiste en dépendance
Institut universitaire sur les dépendances 
Direction de l’enseignement universitaire et de la recherche 
CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal 

IUD : Bonjour Mme D’Arcy. Dans un premier temps, pourriez-vous nous dire ce qu’est un wax pen?

Laurence D’Arcy : Au Québec, le wax pen désigne une cigarette électronique contenant un liquide hautement concentré en THC. Depuis quelques années, sa popularité augmente, en particulier chez les jeunes. Ces vapoteuses au cannabis peuvent être d’origine légale, comme celles vendues en Ontario. Cependant, celles qui circulent le plus souvent dans les écoles sont des vapoteuses fabriquées illégalement par le crime organisé. Les emballages sont souvent ludiques et colorés, et des arômes de fruits ou de bonbons peuvent être ajoutés pour masquer l’odeur et le goût du cannabis.

IUD : Pouvez-vous nous expliquer où et comment les personnes qui les utilisent se les procurent?

L. D’A. : Les jeunes les commandent généralement sur Internet et dans les réseaux sociaux comme Instagram, et reçoivent les produits à domicile par messager ou par la poste. Pour effectuer leurs transactions en ligne, ils utilisent des cartes de crédit prépayées, PayPal ou des cartes de crédit volées. Certains en commandent en plus grande quantité afin de les revendre ou de les donner. De plus, on en retrouve à vendre sur les territoires autochtones tels que Kanesatake. Le reportage d’Enquête « Wax pens » : Percer l’écran de fumée, diffusé à Radio-Canada, illustre bien avec quelle facilité on peut s’en procurer et met aussi en lumière les personnes qui les fabriquent.

IUD : Quels sont les risques associés à la consommation de cannabis au moyen d’un wax pen comparativement à sa consommation sous forme de joint?

L. D’A. : Il y a plusieurs risques associés à l’utilisation d’un wax pen. Premièrement, la concentration en THC est beaucoup plus élevée que dans le cannabis fumé sous forme de joint. Plus précisément, le cannabis séché contient de 15 à 30 % de THC tandis que le liquide d’un wax pen en contient de 70 à 95 %. 

Deuxièmement, le liquide de vapotage peut contenir différents diluants tels que le propylène glycol, l’acétate de vitamine E, la glycérine, des arômes et d’autres additifs. Lorsqu’ils sont chauffés, ces substances peuvent produire des vapeurs toxiques.

De plus, les analyses des produits de vapotage ont révélé une présence importante de contaminants cancérigènes, tels que des métaux lourds, des nitrosamines et des carbonyles, et de composés organiques volatils, ce qui est très préoccupant.

Les produits de vapotage ont par ailleurs été associés à une maladie respiratoire aiguë, la maladie pulmonaire associée au vapotage (MPAV).

Troisièmement, les personnes qui fument occasionnellement un joint de cannabis ont tendance à s’étouffer lorsqu’elles aspirent trop intensément, ce qui a pour effet de diminuer la quantité de cannabis inhalée. Le wax pen ne présente pas cet effet modérateur puisqu’il permet d’inhaler facilement et rapidement de grandes quantités de vapeur. Certains jeunes se lancent même le défi d’inhaler la vapeur pendant la durée maximale que permet leur dispositif, soit de 7 à 15 secondes selon les modèles. En somme, le wax pen combine les risques associés au cannabis et ceux du vapotage.

IUD : Est-ce que les risques sont les mêmes pour les personnes qui ont une consommation régulière et celles qui ont une consommation occasionnelle?

L. D’A. : Le risque le plus important à court terme lors d’une consommation occasionnelle est la surdose. La surdose de cannabis est extrêmement désagréable et, bien que la personne ait parfois l’impression qu’elle va mourir, elle n’est pas mortelle. Les symptômes peuvent inclure de l’anxiété, de la paranoïa, des crises de panique, des palpitations cardiaques, des spasmes musculaires, des vomissements et une chute de tension orthostatique, c’est-à-dire une baisse importante de la pression artérielle en se levant. Cela peut entraîner des vertiges, une sensation de faiblesse, une vision trouble et, dans certains cas, une perte de conscience.

En cas de surdose, il est important de rassurer la personne en lui expliquant que ce qu’elle vit n’est pas dangereux, que les symptômes sont temporaires et qu’elle doit attendre que son organisme métabolise la substance.

Lorsque le cannabis est inhalé, la surdose dure le temps de l’intoxication, soit de deux à trois heures. Il est essentiel de ne pas laisser la personne seule. En cas d’inquiétude ou de symptômes inhabituels, il faut appeler le Centre antipoison du Québec ou le 911.

Pour les personnes qui ont une consommation régulière, le risque le plus important est l’augmentation de leur tolérance, ce qui signifie qu’elles doivent consommer de plus en plus de cannabis pour obtenir les effets désirés. Plus la dose augmente, plus les effets secondaires sont importants, ce qui se traduit notamment par des difficultés cognitives accrues, une baisse de motivation plus prononcée, un risque plus élevé de troubles cardiorespiratoires et un risque plus important de psychose toxique. Cela signifie également que le sevrage à l’arrêt de la consommation peut provoquer des symptômes plus intenses et difficiles à supporter.

IUD : Est-ce que des substances psychoactives autres que le cannabis peuvent être consommées par vapotage? 

L. D’A. : Oui, de nombreuses substances psychoactives sont en vente sur le Web clandestin sous forme de liquides à vapoter ou de vapoteuses à usage unique. Cependant, ces derniers temps, on trouve de plus en plus facilement sur le Web régulier des vapoteuses à la DMT, une substance psychoactive qui provoque des hallucinations visuelles intenses, mais de courte durée. De nombreux sites Internet, qui vendent également d’autres substances psychoactives comme la psilocybine, le principe actif des champignons magiques, ou des wax pens, offrent aussi des vapoteuses à la DMT.

On peut trouver ces commerces en ligne en faisant une simple recherche sur Google, et certaines vidéos YouTube expliquent même comment les fabriquer soi-même.

Le problème, c’est qu’il n’existe actuellement que très peu de données scientifiques sur les risques pour la santé liés au vapotage de DMT. 

IUD : Existe-t-il des outils pour soutenir l’intervention en lien avec le vapotage de cannabis?

L. D’A. : Oui, il existe de nombreux outils en français qui ont été élaborés au cours des deux dernières années. Ils sont répertoriés sur notre site Internet, dans la page Jeunes de notre section Outils et guides. De plus, plusieurs organismes tels que le GRIP offrent également des formations pour les intervenant.e.s sur cette thématique.

Entrevue réalisée par Geneviève Fortin, agente d’information et de transfert de connaissances, IUD