Afin de maîtriser la pandémie de la COVID-19, le gouvernement du Québec a imposé des mesures de distanciation physique et de confinement à la maison dès le 13 mars 2020.
Pour les personnes qui consomment des substances psychoactives légales (alcool, cannabis, médicaments) ou illégales (cocaïne, hallucinogènes, etc.) en petite ou en plus grande quantité, ces mesures pourraient avoir entraîné différentes répercussions.
Ce projet vise à développer les connaissances sur la transition numérique des habitudes et des pratiques de consommation de substances psychoactives (SPA) en raison des mesures sanitaires (distanciation physique et de confinement à la maison) visant au contrôle de la pandémie de la COVID-19. Ces restrictions ont bouleversé l'approvisionnement de SPA et les modes et contextes de consommation. Pour les instituts en santé publique et les organismes qui œuvrent auprès des personnes présentant des troubles liés aux SPA, une meilleure compréhension de ces nouvelles formes de consommation et de ses impacts s'avère pertinente afin de mieux concevoir la prévention et l'intervention en dépendance dans le monde numérique.
Un aspect à considérer concerne l'approvisionnement sur les marchés numériques. La disponibilité réduite sur le marché physique et la quasi-disparition de contextes festifs favorables à la vente (p. ex. fermeture des bars, annulation d'événements) ont incité certaines personnes qui consomment à se tourner vers les marchés numériques. La disponibilité de SPA en termes de quantité ou de types de produits sur ces marchés peut être différente de celle du marché physique local, offrant la possibilité d'essayer de nouveaux (pour expérimenter ou pour substituer une SPA non disponible), augmentant les risques d'une éventuelle surdose.
De plus, certains revendeurs peuvent rendre disponibles ces SPA sur leur marché physique local, amplifiant possiblement des méfaits spécifiques à certaines SPA qui étaient naguère peu courantes dans certaines régions. Les services actuels se retrouveraient alors confrontés à de nouveaux besoins en dépendance et en santé mentale. Autrement, le contexte social inhérent à l’expérience de la consommation, est maintenant miné par la distanciation physique et le confinement à la maison.
Des adaptations numériques ont émergé afin de maintenir ces contextes, dont l’apparition des injections sous la supervision de pairs en vidéoconférence, ou des fêtes cherchant à recréer une séance de consommation sexualisée. Ces variantes numériques peuvent aussi devenir une forme de réduction de méfaits, notamment en permettant de diminuer les risques de contamination ou la probabilité de prendre le volant après avoir consommé. En contrepartie, cette migration numérique peut aussi générer une surutilisation d’Internet qui contribue, par exemple, à une fatigue physique et mentale ou à de la cyberdépendance. Dans ces milieux numériques, comment soutenir les personnes en besoin d’aide tout en évitant les interventions paternalistes?
Le recrutement à partir d’annonces sur les réseaux sociaux sera effectué auprès de 800 Québécois âgés de 18 ans et plus et qui ont consommé dans les 30 jours précédant le Grand confinement. Les participants auront à répondre à différents questionnaires en ligne (durée de passation totale : 30-45 minutes) portant sur les différentes variables à l’étude (socio-démographie, adoption des mesures sanitaires, littératie numérique, approvisionnement en ligne, consommation problématique ou sexualisée, provisions sociales, détresse psychologique, utilisation des services en dépendance, etc.). Ces données recueillies de manière anonyme et confidentielle feront l’objet d’analyses statistiques multivariées permettant de déterminer les facteurs associés au fait d’avoir effectué un virage numérique pour différents comportements liés à la consommation, dont l'approvisionnement et le recours aux services de soins.
Certaines adaptations numériques vont probablement se pérenniser, soit parce qu'elles apportent des avantages aux personnes qui consomment ou en raison d’une résurgence aiguë de la pandémie. Ce projet générera de nouvelles connaissances relatives à ces réalités, ce qui permettra de déployer de nouvelles stratégies de sensibilisation, de réduction des méfaits et d'intervention dans les lieux numériques que les personnes qui consomment peuvent fréquenter.