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Lumière sur… Mieux comprendre les interrelations entre les tentatives de suicide, la consommation et le traitement selon la perspective de l’usager : des éléments novateurs pour la pratique

Dans le cadre de ce projet de recherche, des entrevues ont été réalisées auprès d’usagers ayant déjà suivi un traitement pour un trouble lié à l’utilisation de substances (TUS) et ayant fait plus d’une tentative de suicide. Sur le plan clinique, les nouvelles connaissances découlant de ce projet favoriseront le développement de pratiques novatrices en prévention du suicide auprès des adultes aux prises avec un TUS.

Entrevue avec Hélène Simoneau

Agente de planification, de programmation et de recherche à l’Institut universitaire sur les dépendances.

Il s’agit du dernier projet de recherche de Madame Simoneau, puisqu’elle prendra sa retraite à l’automne 2021. 

IUD : Bonjour Madame Simoneau. Vous faites partie de l’équipe de l’IUD à titre d’agente de planification, de programmation et de recherche depuis maintenant 17 ans. Quels sujets avez-vous explorés au cours de ces années? 

Hélène Simoneau : J’ai débuté ma carrière à l’IUD à titre de chercheure d’établissement et je suis, depuis maintenant six ans, agente de planification, de programmation et de recherche. Au cours de ces années, j’ai été amenée à travailler sur des sujets très diversifiés, mais le projet Alcochoix+, un programme de prévention secondaire qui vise à réduire la consommation d’alcool afin d’éviter les problèmes associés, m’a suivie tout au long de ces 17 années. 

Parallèlement à ce projet, j’ai fait différentes choses, dont l’évaluation de certains programmes, et participé au développement de plusieurs formations pour le ministère de la Santé et des Services sociaux. J’ai travaillé sur de nombreux projets de recherche en lien, notamment, avec la comorbidité entre l’état de stress post-traumatique et les troubles liés à l’utilisation d’une substance ou la chronicité. Plus récemment, je me suis intéressée au suicide dans le cadre de deux projets de recherche, le second, celui dont nous parlons aujourd’hui, étant plus axé sur la prévention.  

IUD : Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce projet? 

H.S. : Ce projet, qui a pour titre Mieux comprendre les interrelations entre les tentatives de suicide, la consommation et le traitement selon la perspective de l’usager : des éléments novateurs pour la pratique, nous a menés à conduire des entrevues avec 14 usagers. Ces personnes étaient à ce moment en traitement pour un trouble lié à l’utilisation de substances et avaient fait au moins deux tentatives de suicide au cours de leur vie. 

Les entrevues avaient deux objectifs spécifiques. Dans un premier temps, mieux comprendre le lien entre la consommation et les tentatives de suicide du point de vue de l’usager et, dans un deuxième temps, examiner l’adéquation entre les services qu’ils ont reçus avant et après avoir fait une tentative de suicide. 

IUD : Le suicide est un thème sensible qu’il faut aborder avec une grande délicatesse. En tenant compte de cette réalité, comment avez-vous vécu le processus de recherche? 

H.S. : C’est certain qu’au départ, comme pour tous projets de recherche, il faut se conformer aux règles éthiques de la recherche et le projet doit-être approuvé par le comité d’éthique. En ce qui a trait aux entrevues, elles ont été réalisées par Ève Côté, une intervenante expérimentée qui œuvre aussi en tant que formatrice en prévention du suicide auprès des cliniciens. Cela nous a donc permis d’avoir une personne très empathique, et surtout très compétente, qui aurait été en mesure d’offrir du soutien si une personne qui avait participé aux entrevues avait manifesté des intentions suicidaires. 

Quant aux personnes qui ont participé au projet, à la fin de chacune des entrevues, l’intervenante leur a demandé ce qu’elles avaient pensé du déroulement de l’entrevue. Nous avons été heureuses de constater que la plupart d’entre elles ont répondu que cela leur avait fait du bien d’en parler sans être jugées et sans se faire prodiguer des conseils. Car évidemment, en recherche, nous ne sommes pas là pour faire de l’intervention, mais bien pour écouter. Les personnes ont donc apprécié cette opportunité de pouvoir parler et d’être écoutées tout simplement.

IUD : Le projet est maintenant terminé. Quels en sont les faits saillants et quelles retombées espérez-vous? 

H.S : Tout d’abord, je dirais qu’il y a deux grands faits saillants directement en lien avec les objectifs du projet. Dans un premier temps, pour ce qui est du lien entre la consommation et les tentatives de suicide, ce que nous avons remarqué, c’est qu’il y a une grande diversité de situations et que tous ne vivent pas la même réalité.

Pour certaines personnes, la consommation augmente la détresse psychologique, pour d’autres, elle facilite le passage à l’acte, tandis que d’autres se considèrent plus à risque lorsqu’il y a arrêt de la consommation.

Pour ces personnes, la détresse augmente puisqu’elles n’ont plus accès aux stratégies qu’elles utilisaient pour gérer ou tolérer les inconforts de toutes sortes. Les épisodes de rechute sont aussi des moments très sensibles où le risque augmente puisque certaines personnes ressentent beaucoup de désespoir, de honte et de culpabilité.

Il est donc important de rappeler qu’il ne faut pas tenir pour acquis qu’une personne ayant cessé sa consommation n’est plus à risque de passer à l’acte. Il faut continuer de l’accompagner, de la soutenir et de vérifier la présence d’idées suicidaires, l’état psychologique et le bien-être de la personne. 

Du côté de l’adéquation des services, il semble que les bonnes pratiques en matière de prévention du suicide ne soient pas toujours mises en œuvre. Ce que les personnes nous ont révélé lors des entrevues quant à leurs sources d’insatisfaction, c’est que souvent, les interventions recommandées dans les guides de bonnes pratiques ne sont pas appliquées. Par exemple, les personnes nous ont fait part de leur besoin d’être accompagnées dans leurs démarches. Plusieurs ont critiqué le fait de seulement recevoir un dépliant et de se faire dire « Appelle cette ressource ». Elles souhaiteraient plutôt que les intervenants les accompagnent lors du premier contact avec cette nouvelle ressource. Les personnes qui ont reçu ce type d’accompagnement nous ont mentionné l’avoir beaucoup apprécié.

De plus, certaines personnes rapportent éviter de mentionner leurs idées suicidaires par peur des conséquences telles que la venue de policiers ou d’ambulanciers pouvant les conduire à l’hospitalisation.

Nous nous sommes ainsi rendu compte qu’il y a un grand besoin de formation et d’appropriation des bonnes pratiques en prévention du suicide.

IUD : Envisagez-vous de donner des suites à ce projet?

H.S. : Pour le moment, un article a été soumis pour publication à la revue Drogues, santé et société, une revue complètement gratuite et en français. L’article Consommation, tentatives de suicide et services en dépendance : perspectives de l'usager a été coécrite par Karine Bertrand, Marie-Josée Girard et moi-même. 

De plus, nous en sommes à l’étape de réfléchir aux meilleurs moyens de faire le transfert de connaissances à ce sujet. Nous ne savons pas encore précisément la forme que cela prendra, mais il pourra s’agir soit de capsules vidéo informatives, de formations ou même d’un guide à l’intention des professionnels de la santé et des services sociaux. Cela devrait se préciser à moyen terme. 

IUD : Pour terminer, vous quittez l’IUD au mois de septembre prochain pour une retraite bien méritée, pourriez-vous nous dire quels sont vos projets pour le futur?

H.S. : Il est certain que la situation sanitaire actuelle limite un peu ma projection dans le futur, du moins à court terme, mais j’ai quand même de nombreux projets en tête, dont des projets de séjours linguistiques, de cours de théâtre, de cours de danse, etc. En fait, j’ai vraiment envie de socialiser! 

IUD : Nous vous le souhaitons! Ainsi qu’une belle retraite remplie de nouvelles découvertes. Profitez-en bien!

Si vous souhaitez approfondir le sujet sur le suicide, vous pouvez consulter notre Dossier thématique sur le suicide