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Les projets participatifs en recherche avec La GID

La GID1  travaille à augmenter les connaissances en matière de genre et de diversité sexuelle et à les appliquer afin de déconstruire les préjugés et de développer des interventions et services en dépendance inclusifs, accessibles et adaptés aux besoins de diverses clientèles (p. ex., les femmes, les personnes des communautés 2SLGBTQI+). Ses projets combinent la rigueur scientifique et la mise en commun d’expertises variées afin de développer des connaissances pratiques qui répondent aux besoins des milieux.

1La GID – Chaire de recherche sur le genre et l’intervention en dépendance (la-gid.ca)

Entrevue avec
Thomas Haig, Ph. D.

Professionnel de recherche, coordonnateur
La GID – Chaire de recherche des IRSC sur le genre et l’intervention en dépendance
Programmes d’études et de recherche en dépendance
Faculté de médecine et des sciences de la santé
Université de Sherbrooke (Campus de Longueuil)

IUD : Bonjour M. Haig. Dans un premier temps, pourriez-vous nous dire en quoi consiste un projet participatif en recherche?

Thomas Haig : Un projet participatif en recherche consiste à impliquer activement les personnes concernées à toutes les étapes d’un projet de recherche, depuis l’identification des besoins jusqu’au partage des résultats. Cela peut inclure des acteurs tels que des organismes communautaires, des personnes travaillant dans d’autres milieux de pratique et des personnes faisant partie des populations concernées par le sujet de recherche. Les participant.e.s peuvent contribuer à la gouvernance du projet, à la conception des outils de collecte, au recrutement des participants, à la collecte des données, à l’analyse des résultats et à la diffusion des connaissances.

Les projets participatifs impliquent la mise en commun de différents types de savoirs expérientiels, professionnels et académiques, ainsi que l’implication directe des participants dans la recherche. Cela permet une meilleure compréhension des phénomènes étudiés et une meilleure prise en compte des besoins et des préoccupations des personnes concernées.

En somme, les projets participatifs en recherche visent à avoir une incidence réelle et à tenir compte de la contribution de chacun des participants tout au long du processus de recherche.

IUD : Quels sont les avantages sur le plan scientifique d’impliquer des personnes concernées dans les projets de recherche de La GID?

T. H. : L’implication de personnes concernées dans les projets de recherche de La GID contribue notamment à augmenter la faisabilité de la recherche ainsi que la pertinence des résultats.

Leur participation permet de tenir compte des perspectives et des connaissances issues d’un savoir expérientiel qui peuvent modifier la façon dont les questions sont posées, les méthodes utilisées pour la collecte de données tout comme la manière dont les résultats sont interprétés.

Ainsi, cela peut faciliter de beaucoup le recrutement et la rétention de participants et l’obtention d’informations pertinentes en tant que données de recherche, tout en rehaussant la validité scientifique des connaissances produites.

De plus, l’implication de personnes concernées peut avoir une incidence importante sur les activités de transfert des connaissances, notamment lorsqu’il s’agit de présenter les résultats. Inclure des personnes ayant un autre rôle que celui de chercheur, tel qu’une praticienne ou un praticien ou une personne concernée, contribue à mieux comprendre les résultats et à en expliquer la pertinence. Cela permet d’accroître la portée des projets de recherche et contribue à leur diffusion et à leur influence sur le terrain.

IUD : Pourriez-vous nous donner un exemple de projet participatif de recherche réalisé par La GID? 

T. H. : Bien sûr. La GID mène depuis 2017 un projet de recherche sur TAPAJ, un programme de réduction des méfaits axé sur l’accès au travail à seuil d’exigence adapté créé il y a 20 ans par l’organisme montréalais Spectre de rue. La recherche vise à mieux comprendre les effets de cette intervention, en particulier chez les jeunes en situation de précarité sociale qui fréquentent des ressources en réduction de méfaits. 

Dès le début, nous avons adapté le projet afin que les responsables et les intervenants de Spectre de rue puissent collaborer de façon significative à la conception et à l’implantation de la recherche en tant que cochercheurs. De plus, afin d’inclure des jeunes concernés aux différentes étapes du projet, nous avons créé un panel de recherche destiné exclusivement à eux, dont le fonctionnement est adapté à leurs réalités et besoins.

Le panel permet la réalisation de différentes activités de groupe mises en place pour favoriser la prise en compte de leurs voix et de leurs perspectives.

Des activités de création artistique et de médiation culturelle ont aussi été organisées pour les aider à exprimer leurs points de vue quant aux résultats de la recherche et aux enjeux qui les concernent. Cet exemple de projet illustre parfaitement comment la recherche participative peut être concrètement mise en œuvre pour mieux comprendre les besoins de différentes communautés et pour mieux y répondre.

IUD : Vous parlez d’activités de création artistique. Comment ces dernières ont-elles bonifié le projet de recherche et comment avez-vous réussi à les maintenir malgré la pandémie?

T. H. : Je suis très surpris moi-même par les résultats de ces activités de création artistique, d’autant plus que nous avons commencé à les développer juste avant l’arrivée de la pandémie. Malgré les défis évidents liés aux mesures sanitaires, nous avons réussi à impliquer des artistes professionnels afin d’adapter les pratiques de création et de poursuivre les activités avec les jeunes. 

Parmi les résultats de ces activités, nous avons produit un Zine, qui ressemble à un roman-photo et qui répertorie les enjeux documentés par les jeunes eux-mêmes ainsi que leurs recommandations pour l’amélioration des services. Au départ, les jeunes souhaitaient créer une pièce de théâtre, mais nous avons dû trouver une solution de rechange en raison de la pandémie de COVID-19. C’est alors qu’une artiste a proposé de créer le Zine, ce qui permettrait aux jeunes de jouer des rôles et de participer à la création de saynètes documentées par la prise de photographies. Nous avons également fait appel à une personne experte en théâtre participatif pour aider les jeunes à aborder divers sujets et ainsi contribuer à la rédaction d’un chapitre de livre publié dans un ouvrage collectif. Malgré les défis posés par la pandémie et le fait que les activités ont dû se dérouler entièrement en mode hybride, à la fois en présentiel et en virtuel, nous avons réussi à maintenir les liens avec les jeunes et à obtenir un résultat à la fois fascinant et facilement diffusable auprès de différents publics.

IUD : En terminant, comment pensez-vous que les résultats de vos projets de recherche auront une influence sur les pratiques dans les milieux d’intervention en dépendance?

T. H. : L’exemple de TAPAJ est intéressant pour illustrer les retombées des projets de recherche participatifs. Après sa création par le milieu communautaire au Québec, TAPAJ a été « exporté » en France, où il a connu un grand succès, jusqu’à devenir un réseau national reconnu par le gouvernement français.

Des acteurs s’intéressent maintenant à consolider et à mettre à l’échelle ce programme au Québec, et la recherche menée sur celui-ci offre des informations concrètes et valides scientifiquement qui peuvent soutenir cette mise à l’échelle et avoir des retombées positives sur les politiques en matière de dépendance. 

La réussite de ce projet de recherche repose sur une approche participative qui a pris en compte les personnes concernées et les acteurs des milieux de pratique comme parties prenantes tout au long de la recherche. Cette approche a permis de renforcer leur mobilisation et d’obtenir des résultats qui pourront contribuer à l’amélioration des pratiques et des programmes en matière de dépendance. Cette synergie entre la recherche, les personnes concernées, les acteurs communautaires et les décideurs est très prometteuse pour l’avenir.

Pour en savoir plus :

Entrevue réalisée par Geneviève Fortin, agente d’information et de transfert de connaissances, IUD